Oncle Vania

120’ | 2004 | Digital Betacam - 16/9 | ARTE | Ministère Affaires Etrangères

Pour Arte, Jean-Baptiste Mathieu réalise un film à partir de la pièce « Oncle Vania » de Tchekhov mise en scène par Julie Brochen. Pas une captation, pas du théâtre filmé, mais un objet télévisuel non identifié, entre théâtre et cinéma, qui projette le téléspectateur au cœur de la pièce.
Tourné avec une seule caméra qui circule au milieu des acteurs, « Oncle Vania » nous plonge au plus près des mots et des regards, des pas et des gestes, des respirations et des silences de chacun des personnages. Le film entre en osmose avec le rythme et la forme si singuliers de la mise en scène de Julie Brochen.

Vu par la presse

Le Monde
Jean-Baptiste Mathieu a tellement aimé cet Oncle Vania, il a été tellement touché par la mise en scène de Julie Brochen qu’en quittant le Théâtre de l’Aquarium après y avoir vu la pièce de Tchekhov, il s’est dit qu’il valait mieux ne pas la filmer. Il avait trop peur de « l’abîmer ». Puis est venu, plus fort que la crainte, le désir de transmettre ce qu’il avait vécu avec ce Vania : la magie du théâtre quand un texte réussit à prendre corps, porté par des acteurs rassemblés avec le public le temps de la représentation. Le réalisateur n’aime pas les pièces filmées avec un grand nombre de caméras et ne croit pas qu’en étant « partout à la fois », on est forcément « au meilleur endroit ».
Pour rendre la vie et l’intensité particulières de cet Oncle Vania dans le cadre étroit du petit écran, il décide de tourner en dehors des représentations, avec un découpage plan par plan et une seule caméra. Portée à l’épaule par la chef-opératrice Isabelle Razavet, qui circule sur la scène « comme un spectateur descendu des gradins », cette caméra unique s’approche des comédiens et filme au plus près les regards et les gestes, les mots et les silences.
Ainsi projeté au cœur de la pièce, on la vit intensément. La langue de Tchekhov, la mise en scène de Julie Brochen, le jeu des acteurs — Jeanne Balibar, Pierre Cassignard, Julie Denisse, François Loriquet, Bruce Myers, tous excellents —, le parti-pris de réalisation de Jean-Baptiste Mathieu, tout concourt à rendre palpables le sentiment d’échec, les vies manquées, le temps qui s’enfuit, les rêves qui s’effondrent et la vacuité du quotidien.
Emporté dans le flot d’émotions, de désirs et de frustrations qui étouffe les personnages, on (re) découvre un texte écrit il y a plus de cent ans et étonnamment actuel.
— Thérèse-Marie Deffontaines

Cahiers du Cinéma
« Pour que le théâtre nous touche », dit Peter Brook, « il faut qu’il soit à la fois proche et lointain ». Oncle Vania, rejoué dans une salle vide et filmé avec talent par Jean-Baptiste Mathieu, parvient à tirer quelque chose d’autre de la pièce, une forme de cinéma. Alors que rien n’est a priori plus anti-poétique et laborieux que le théâtre filmé, la réussite de ce film tend à excéder les « moins » (moins que du théâtre, moins que du cinéma).
Avant le générique, le cinéaste filme des arbres nus, par une belle journée d’hiver, les ombres des branches sur le théâtre de l’Aquarium, la grande porte jaune, une fenêtre où le soleil jette un reflet violent : il a suffi de ces quelques plans pour donner un ciel à la pièce.
Un autre exemple, au début du film. Juste avant, les deux comédiens étaient filmés de près, caméra à l’épaule. On regarde maintenant un groupe, de loin, par l’entrebâillement d’une porte : dans un rectangle de lumière, des personnages flous, de dos. Ils se tiennent debout en cercle sous un lustre. Six ou sept, ils chantent. En jouant avec l’éloignement, l’obscurité, la fragilité d’images qui semblent vaciller comme des flammes que le chant ferait danser, le réalisateur abolit toute verticalité : au lieu de monter, le chant se répand dans un moment de pur flottement.
— Mia Hansen-Løve

La Croix
La réalisation de Jean-Baptiste Mathieu fait partager au téléspectateur la vibration du spectacle vivant. En choisissant de filmer avec une caméra unique, il parvient à restituer ce tissage dramatique entre les personnages, fait de frôlements, de non-dits ou d’éclats soudains. L’interprétation tendue de François Loriquet en Vania, la composition étrange de Jeanne Balibar, bien loin des canons d’une séduction classique, les accents magnifiques de Pierre Cassignard (Astrov) et Julie Denisse (Sonia), loin d’être aseptisés par une banale captation de « théâtre filmé », sont comme recréés par ce point de vue sensible.
— Emmanuelle Giuliani

La Nouvelle Vie Ouvrière
Jean-Baptiste Mathieu, le réalisateur de cet Oncle Vania qui nous est proposé par Arte, évite les écueils de la banale captation d’images. En recréant pour la caméra la magnifique mise en scène du chef d’œuvre de Tchekhov imaginée par Julie Brochen, en cernant les visages au plus près, en se jouant de l’intérieur et de l’extérieur pour mieux faire exploser lézardes et fissures de l’édifice, failles et blessures des protagonistes.
— Y.L.

L’Express
Filmée sans public et avec une caméra se faufilant à travers le décor, afin de capter les acteurs au plus près, la pièce de Tchekhov prend ici toute son ampleur. On a l’impression d’être au cinéma plutôt qu’au théâtre. Une expérience étonnante, rare à cette heure-là.
— Anne Lenoir

La Vie
Un duo théâtre-cinéma idéal pour faire résonner cette œuvre belle et déchirante sur les illusions perdues.
— Nathalie Marec

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